Hier, j'ai franchi un seuil...
Ça se passe en face du 68 de la rue Saint-Sauveur la 403 de mon oncle Louis est sagement garée et du haut de mes huit, dix ans mes yeux sont attirés par la boite de Kleenex posée sur la plage arrière de la Peugeot, ça fait riche c'est superbe !
Aujourd'hui et dans ma petite tête enfiévrée je vois très bien cette jolie boite de Kleenex, cette petite boite en carton était bleue marine avec des liserets argentés "Kleenex" dont la police d'écriture était et de blanc vêtue s'arborait fièrement ce n'était pas les sous-marque d'aujourd'hui oh non, un mouchoir blanc immaculé attendait de subir la préhension de mes cousines sagement assises à l'arrière de la voiture alors que par un malin pliage le deuxième petit carré de papier absorbant attendait son tour... c'était magnifique, mon oncle Louis et ma tante Marguerite devaient être sacrément riches...
Maman nous faisait utilliser des mouchoirs de tissu à l'époque et je ne me souviens plus quand est-ce que j'ai utilisé des étuis de mouchoirs en papier, mais jamais je n'ai posé une boite de mouchoirs sur la plage arrière de mon véhicule... c'est dans mes yeux un signe extérieur de richesse, évident.
Je crois que nous avons tous nos seuils de richesse, nos bornes à ne pas dépasser sous peine de changer irrémédiablement de classe sociale, de ne pas nous sentir à notre place... Mon père n'aurait jamais pénétré dans un palace, je me souviens lui avoir offet un pot dans le lobby d'un hôtel Mercure et je me souviens qu'il n'était pas totalement à l'aise, lui il était ouvrier.
Hier nous étions à la plage un quinze octobre la plage du Porge était ultra fréquentée je me suis baigné évidemment et puis une petite sieste histoire de fêter ça. "Chocolat, café, beignet... boissons fraîches... Chocolat, café, beignet... boissons fraîches... Chocolat, café, beignet... boissons fraîches... Chocolat" C'est à ces mots que je me suis éveillé, le mec est là à moins de 50 mètres en train de servir un groupe de jeunes en quête de sucreries. J'ai alors dressé un bras et je l'ai appelé "vous avez encore du café chaud ??"
Un gobelet de bon café dans la main, il était très bon mon café à 2 Euros, j'ai pleinement joui de l'instant je venais de passer un cap j'ai soixante et un an je fréquente les plages très régulièrement, j'en ai vu des vendeurs de beignets j'ai été tenté tu sais... vraiment, mais ce n'était pas pour moi... Hier, j'ai franchi un seuil.