Billet indolore...

L'horaire nous convient tout à fait.

Ce matin je suis sorti du lit fissa, une toilette de chat et je suis parti pour prendre le petit déjeuner avec mon garçon. Ça m'arrive deux, trois fois par an l'envie d'un moment privilégié, j'arrive juste après qu'il ait fait l'ouverture du bouclard, sa mise en place terminée il ouvre la porte et avant que la clientèle n'arrive, avant que les serveurs et la proprio ne soient là, je déboule façon surprise alors on se prend un grand café, des tartines et on parle à regarder la place s'animer... on parle oh, pas longtemps, mais ces minutes me sont agréables et que je crois que c'est réciproque, on parle, il se lève ensuite pour aller encaisser telle ou telle table et puis on reprend tranquillement notre conversation dans le bruit du percolateur et l'odeur du café frais... c'est bien.

"T'as vu le type là-bas... celui qui  mesure, il mesure... tous les matins, il mesure tout..."

Mes enfants habitent Bordeaux, ils travaillent dans le coeur de cette ville qu'ils aiment et détestent à la fois, mon fiston travaille depuis plus de dix ans maintenant dans les lieux stratégiques de cette grande ville qui a tant changé depuis une génération, la sienne. Il en connaît des gens, ces personnages de la nuit et puis ces propriétaires bien peinards bien tranquilles qui ont su tirer les ficelles et les revenus substentiels de ces changements urbains, il connait.

Mais il en connait également de ces types qu'on ne veut plus voir, tous ces gens que le "progrés" a laissé sur le bas côté, tous ces malades de la vie ces paumés, je ne parle même pas des "punks à chiens" qui  nous font peur non, je parle des malades rendus invisibles par la foule laborieuse et pressée...

"Tiens regarde le, lui là, tu va voir... 'va commander un café et un Perrier-menthe et les boire à la petite cuillère... tu vas voir..."

En effet, il y a un type sans âge propre sur lui et assis à la terrasse, mais plutôt que d'être face à la place qui s'anime il a choisi comme vis à vis un mur aveugle et tout en buvant ses boissons favorites ses gestes sont rythmés de tocs et autres rituels toujours les mêmes...

"Eh merde, re-voilà Germain..."

Germain est SDF, oui mais SDF grave. Oh il est pas dangereux le Germain simplement il fait peur à voir il est hideux et vraiment très sale, en ce qui me concerne j'ai l'impression d'avoir toujours connu Germain dans cet état de délabrement, il est vraiment très sale... un détail ?? eh bien par exemple, ces chaussures sont coupées à l'extrémité et ses ongles de pieds trainent sur le sol, vois-tu. Germain n'a pas toujours été SDF sale, il occupait une profession libérale et tout et tout et puis un jour, un putain d'accident et toute sa famille a disparu alors Germain à disparu également.

J'ai laissé mon grand garçon à son tiroir caisse, à ses personnages hors normes et à ses clients pour rentrer dans ma campagne.

Comments

[Antiblues]

Les eclopés de la vie ...

Je mesure ma chance à cette loterie là ...

[Célestine]

Il y a du Prevert dans ce personnage, tu sais, le petit bruit de l’œuf dur sur le zinc du bar, il est terrible pour l’homme qui a faim... j’avais beaucoup aimé Bordeaux il faut dire que j’avais un bon guide.

Très joli billet humain et tendre



•.¸¸.•*`*•.¸¸☆

[valecrit]

Mignon billet.

[calystee]

Même chose à Lyon. Quelques-uns d'abord puis de plus en plus nombreux (j'ai parlé de Claude dernièrement, un peu le sosie de Germain, en plus soigné). Que faire ?

[julie]

Peux tu stp détailler pourquoi ils aiment et détestent à la foi la ville de Bordeaux ?