Saint Blaise...
Voilà pas très longtemps et dans un vieux portefeuille en cuir usé, j'ai retrouvé un petit carton mes coordonnées et une photographie d'identité... militaire.
On est le 3 février 1975 j'ai dix huit ans il fait beau et froid dans cette ville de garnison située au-dessus de Paris, c'est la fin de la matinée comme tous ceux qui sont arrivés par le train blème du petit matin je suis tout juste tombé du car pour me faire raser les cheveux on m'a balancé un paquetage, une piqure douloureuse j'ai dû me dépêcher sans arrêt alors que j'ai mal au crâne... je ne sais pas faire un noeud de cravatte, le col de ma chemise ne se ferme pas... démerde-toi... la nuit précédente je n'ai pas dormi j'étais arrivé à Saint-Lazare en fin de journée j'ai passé la nuit dans les rues de Pigalle, j'ai trop bu, j'ai traîné toute la nuit la place Blanche était glauque et j'ai bien aimé tout perdu que j'étais... j'ai mal au crâne, putain qu'est-ce qu'ils ont tous à crier ces cons ah c''est ça une cour de caserne avec ses bâtiments bas on dirait un camp de concentration... ah, c'est un ancien camp de concentration... qu'est-ce qu'ils ont tous à crier ces cons, j'ai mal au crâne !
Voilà quelques semaines j'ai dit à mes parents que je venais de devancer l'appel... puisqu'il faut que j'y aille autant précipiter les choses, je travaille depuis un peu plus d'un an mais là, le petit garçon à sa maman il va tomber de haut ah, tu veux voir le trou du cul du monde et bien te voilà aux premières loges mon garçon !
Oh physiquement j'ai assuré, je n'ai aucunement souffert je suivais le mouvement sans problême, par contre j'ai souffert psychologiquement jamais vu autant de tarés au mètre carré. Quelques exemples... Ce pauvre type gentil et complétement incapable de marcher au pas qu'on humiliait devant des centaines de pauvres cons comme moi, il ne pouvait pas marcher au pas il ne le pouvait pas ils se sont acharnés sur lui jusqu'à ce qu'il craque aux larmes. Les punitions stupides. Quelques analphabètes. Ce père de famille faisant la grève de la faim pour je ne sais plus quelle raison et un matin au réfectoire qui casse tout sur son passage, ils étaient cinq ou six pour le maitriser. Et puis la vulgarité crasse, l'impossibilité de s'isoler simplement se retirer de toute cette merde pendant quelques instants. Et puis l'alcool l'alcool, l'alcool l'acool douze mois de merde. Je peux te dire que je n'ai jamais fêté la quille le père cent ou toutes ces conneries insuportables je suis parti simplement je suis parti, j'ai appris pas mal de choses sur la nature humaine en fait, ça m'a probablement servi... probablement.